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é Green

05 September 2014

La dramathérapie psychanalytique: L’exemple d’un groupe de chômeurs en Grèce

(Le text decrit une recherche effectuée depuis fevrier 2012 jusque le mars 2013 à Athènes et presentée sous le même titre, à la conférence internationale "Psychanalyse et groupe" organisée par CNAM, à Paris, Mars 2013. Je dois aussi noter que l'histoire du groupe a continué après la recherche mais ça necessite un autre article que j' espère présenter dans l' avenir).

La dramathérapie est une des psychothérapies des médiations artistiques. Il existe plusieurs modèles de dramathérapie, comme c’est le cas du modèle des rôles (Landy), du modèle anthropologique (Jennings, Gersie, etc.), du modèle des transformations développementales  (Johnson) et autres.
Le modèle de dramathérapie psychanalytique résulte de la rencontre de la théorie et des pratiques de la dramathérapie comme elles sont été développées plutôt dans les pays anglo-saxons et de la théorie psychanalytique du groupe et les travaux sur la médiation de l’école française (Kaës, Anzieu, Chouvier, Brun, Roussillon, etc.).
Dans ce modèle de dramathérapie, le thérapeute est moins intervenant dans les actes symboliques et reste dans la neutralité bienveillante. 
Le contexte des séances est bien structuré et défini. La priorité est donnée à la recherche du sens ; un sens de la réalité propre du sujet, mais aussi un sens qui se coproduit au sein du groupe.
L’interprétation des actes symboliques a, alors, une place importante dans le processus et se réalise par le membre lui-même et par les autres membres aussi. Le dramathérapeute s’intéresse plutôt à la compréhension des phénomènes collectifs et de la dynamique du groupe. C’est par ce processus qu’il propose les actes de la médiation, d’une façon spontanée, non préparée d’avance, mais en consonance avec le contenu qui se dévoile par cet ici et maintenant du groupe.
Le modèle psychanalytique se distingue aussi par l’importance qu’il accorde aux phénomènes du transfert.
Les trois types de transfert (face au thérapeute, face aux autres membres du groupe et face au groupe lui-même) dans le cas des thérapies de médiations se doublent.  On peut, alors, observer le transfert au cours de la communication verbale et non verbale du groupe, mais aussi au cours des médiations artistiques.
Ce dédoublement du transfert est, à mon avis, un des plus grands avantages des thérapies de médiations, puisque cela permet la prise de conscience dans un temps plus court que dans les cas où la médiation est absente.
La diminution du temps de la prise de conscience dans un autre cas pourrait consister comme un acte perturbant et même violent, d’après Aulagnier, qui ne respecte pas les défenses des sujets. Par contre, l’art, en tant que médiation, constitue l’espace transitionnel, au sens winnicottien. En tant que tel, il produit un espace de sécurité et une distance qui facilitent l’auto-observation à travers le produit artistique.
En Grèce, pendant ces trois dernières années de la crise économique, s’est développée une situation que presque personne ne pouvait prévoir.
On peut facilement constater le pessimisme et même la dépression généralisée sociale qui possède des caractéristiques de contamination, situation dans laquelle les médias ont un rôle important.
Nous constatons aussi un énorme accroissement du taux de suicides, qui se traduit par trois suicides par jour (pour une population totale de dix millions d’habitants).
Quelques suicides s’effectuent de façon très spectaculaire pour se transformer finalement en actes symboliques-collectifs. En même temps, les phénomènes d’anomie sociale et de la violence entrent dans les vies quotidiennes.
L’environnement se détruit dans cette politique en quête de profits immédiats et transforme les forêts en mines d’or.
En même temps que l’accroissement du taux de chômage touche 27% de la population, l’émigration de la population vers des pays plus riches réapparaît depuis les années 1960. Mais cette fois-ci, avec d’autres caractéristiques : il ne s’agit plus des ouvriers, mais des jeunes surdiplômés.
Dans cette politique d’austérité, les services de la santé mentale sont soit arrêtés, soit beaucoup dévalués à cause de l’absence du personnel. Le syndrome d’épuisement professionnel chez la plupart de nos collègues qui y travaillent devient fréquent. Leurs salaires ont aussi été diminués de presque de 30% au cours de ces trois dernières années.
Mais, il y a aussi un autre aspect plus positif cette fois-ci. Dans ces conditions, des nouveaux mouvements de solidarité et des réseaux d’économie d’échange, détachés de l’argent, s’épanouissent dans tout le pays.
Que peut alors faire le psychologue ?
En tant que psychologue-dramathérapeute en cabinet privé, j’ai pensé à combiner mon désir de contribuer au soulagement de la souffrance des chômeurs, en leur offrant la possibilité de participer gratuitement à un groupe de dramathérapie psychanalytique, et mon désir de rechercher ce qui se passe au niveau psychologique chez ces chômeurs. 
L’idée de travailler avec les chômeurs a sa préhistoire. J’avais déjà vécu les conséquences bénéfiques de ma propre psychothérapie psychanalytique sur mon métier. Au cours des années suivantes, j’ai aussi constaté ce changement positif de la vie professionnelle chez mes clients qui suivaient la dramathérapie psychanalytique du groupe.
La souffrance provenant du travail est assez répandue d’ailleurs. Elle touche souvent les individus qui travaillent dans les grandes sociétés multinationales où la souffrance provient de l’homogénéité et des exigences imposées insupportables. Une autre population professionnelle présentant un risque élevé (le deuxième après les infirmiers, selon ELINYAE) du syndrome de l’épuisement professionnel en Grèce, est celle des fonctionnaires, à cause du système de corruption et du favoritisme opérés par les partis politiques et autres acteurs politiques.
Le risque le plus important que l’on peut rencontrer dans un traitement clinique offert aux chômeurs est surtout épistémologique. Le chômage est un phénomène compliqué et, en tant que tel, plusieurs interprétations sont possibles.
Dans un tel projet, le danger évident est la psychologisation du chômeur  (suivant des économistes comme Malthus, Booth et autres). Plusieurs recherches soulignent la vulnérabilité psychique qui résulte le chômage de longue durée, mais, dans ce cas, la psychopathologie quelconque est la conséquence du chômage et pas sa raison. Il y a aussi des théories qui considèrent le chômage uniquement comme un phénomène social (Engels, Beveridge, Keynes, etc.).
Une interprétation psychologisante ou socialisante des phénomènes complexes, tel que le chômage, n’est jamais totalement neutre sur le plan idéologique (Papastamou, Doise).
La solution à ce problème nous vient du courant de la psychologie sociale clinique (Pagès, de Gaulejac, Navridis et autres) qui tente une synthèse du social et de la clinique, en s’intéressant plutôt aux mécanismes articulatoires, relationnels entre le social, l’individuel et la famille, en tant que cellule intermédiaire.
C’est sous cette perspective que j’ai commencé à travailler avec un groupe-pilote des chômeurs. Ce groupe avait deux buts : thérapeutique et de recherche.
Est-ce que le chômage à longue durée produit des difficultés psychologiques chez les chômeurs, qui les empêchent à réintégrer le marché du travail et si oui, quelles en sont les causes ? Y a-t-il des facteurs internes concernant l’historicité du sujet et de sa famille qui peuvent intervenir dans la difficulté de celui-ci à trouver un travail ? Ces deux questions ont été la base de cette recherche.

L’échantillon

Pour trouver les membres de ce groupe, j’ai profité de l’usage des médias sociaux (blog, Facebook, Twiter, autres sites).
Les critères du choix des chômeurs étaient :
– être au chômage depuis plus de huit mois,
– ne pas être des étudiants,
– avoir un revenu annuaire jusque 8000 euros au maximum.
– posséder une carte de chômage.
Plus de cinquante personnes ont téléphoné et ont accepté un premier rendez-vous, mais seules dix se sont finalement présentées, et parmi les absents, seuls deux avaient prévenu qu’elles annulaient le rendez-vous.
Parmi ces dix personnes, sept seulement répondaient aux critères et ont été acceptées. L’une d’elle a trouvé un travail avant le commencement du groupe et n’y a donc pas participé.
Le groupe de six personnes a commencé au mois de février de 2012. Il était constitué de cinq femmes et un homme, d’un âge moyen de 34 ans. Cinq sujets avaient un niveau d’éducation supérieur et le dernier, moyen.
Parmi eux, trois personnes ont avoué qu’elles voulaient aussi connaître la méthode de dramathérapie (ainsi, elles avaient en même temps un motif supplémentaire). 
Les métiers de leurs parents montrent que tous les membres du groupe proviennent de la même classe sociale. Tous les parents étaient des techniciens-manœuvriers, sauf un policier.

Le contrat

Le contrat est présenté au cours de la première rencontre individuelle :

– la participation au groupe est gratuite. Mais chaque membre doit apporter quelque chose à chaque séance ; chose réelle ou irréelle, peu importe sa valeur économique ;
–  la participation gratuite ne vaut que tant que dure le chômage. Si un membre trouve du travail et veut continuer la thérapie, il doit rembourser le 15% de son revenu, jusqu’aux limites du tarif que payent les autres clients. À partir de ce moment, le sujet n’est plus obligé d’apporter l’objet du remboursement ;
– nous avons une séance d’une heure et demie par semaine et des périodes de vacances ;
– quand quelqu’un veut partir du groupe, il doit prévenir au moins deux mois à l’avance, pour que le groupe et le sujet lui-même puissent travailler le deuil de la séparation.

Les buts thérapeutiques généraux

– Le support.
– La prévention de suicide, de psychopathologies liées au chômage, de la chute à l’anomie, mais aussi de la victimisation à cause du besoin.
– Le changement des attitudes (de la passivité à l’activité, de la rigidité à la flexibilité, de la soumission aux réalités imposées à leur mise en question, etc.) des comportements et des rôles qui peuvent biaiser le retour à l’emploi.
– La connaissance de soi et l’évolution.
– Préciser leurs désirs concernant le travail/Réorientation.
– La focalisation vers le désir-but.
– Le renforcement psychique.
– Retrouver le moral – pas de culpabilisation, mais retrouver la foi en un avenir meilleur.
–  Se resocialiser : Etablir des relations avec des groupes, d’autres individus, suivre des activités collectives, faire face à la honte.
– Synthétiser et produire des nouvelles identités professionnelles plus indépendantes.

 Le processus

Le thème des conversations du groupe pendant les séances ne se limite pas au chômage. Le processus se déroule comme dans tous les autres groupes avec lesquels je travaille. Ce qui fait la différence cette fois-ci, c’est que les membres du groupe à la place de me payer pour leur participation par l’argent, ils apportent des objets en tant que remboursement.







Ces objets portent toujours une signification symbolique et leur présentation au groupe – ainsi que la recherche de leur sens par le groupe – est devenue comme un rituel à chaque séance. Ces objets, eux-mêmes, se transforment ainsi en matériel de médiation supplémentaire.

Une autre fonction de ces objets est leur contribution à l’amélioration de l’estime de soi des membres du groupe. Ces objets qui sont apportés par les membres du groupe à la place de l’argent sont très utiles pour mon travail, comme il y a plusieurs techniques de la dramathérapie où nous utilisons des objets sur la scène. 
Parfois, des objets-nourritures arrivent pour tout le groupe (comme des fraises, des gâteaux, des œufs, des glaces, etc.). 

La contribution, l’offrande elle-même, devient très bénéfique aux membres et constitue un  facteur organisateur du contexte de ce groupe. 

Les membres attendent toujours ce moment de l’offrande des objets, et leur contribution à la prise de conscience, ainsi que leur fonction cohésive (ces objets sont étant perçus comme des cadeaux) sont si marquantes que personne ne veut arrêter de participer à cette pratique, même au moment où ils commencent à  payer normalement après avoir commencé à travailler.

Au niveau de rôles choisis spontanément sur la scène, nous distinguons des rôles qui concernent :

– le rejet social (comme du bouc émissaire, du clandestin),
– le sacrifice (Jésus, Iphigénie, l’agneau),
– la fuite (comme celle du voyageur, du nomade),
– l’absence de place et d’auto-annulation (de l’invisible, du suspendu, de l’étranger),
– la suppression ou l’infériorité et les relations du pouvoir (de l’enfant, du héros – qui remplit une mission imposée par le roi ou le dieu, du pion-soldat).
– les rôles plus élaborés (du roi, du dieu, du professeur, du parent, du créateur, de l’innovateur).

Ces rôles, on les voit dans une évolution au cours de la thérapie.

Aujourd’hui, le groupe continue avec six membres, mais sa constitution a changé. Deux sont partis parce qu’ils ont trouvé du travail (un dans une autre ville et l’autre, parce que ses heures de travail coïncidaient avec celles du groupe), et un autre a déménagé dans sa ville d’origine – considéré par le groupe comme drop out. Trois nouveaux membres ont rejoint le groupe au cours des sept derniers mois.

Nous pouvons distinguer trois catégories des sujets-chômeurs (sur les neuf sujets) :

– les motivés-actifs (comme les deux sujets qui s’intéressent aussi à la méthode de la dramathérapie). Ce sont les premiers à avoir retrouvé du travail ;
– les dépressifs-découragés (deux sujets) dont une femme avait commencé à présenter des comportements au bord de l’anomie comme résidence nomade, usage de drogues, isolement et rupture des relations avec sa famille. Pendant la thérapie, elle est devenue plus consciente de sa situation, elle a trouvé un appartement en colocation, dont elle paie le loyer en gardant deux enfants à mi-temps, et elle est devenue beaucoup plus créative en se concentrant sur son art et en participant à des événements artistiques, mais sans, jusqu’à présent, pouvoir en vivre ;
– les névrotiques (cinq sujets). Ces sujets se caractérisaient par un langage si mal structuré que les autres membres du groupe se plaignaient de ne pas les comprendre. Petit à petit, leur langage est devenu beaucoup plus clair et moins chaotique. En plus, nous constatons leur progrès à prendre des décisions et ne pas se perdre dans des différentes possibilités. C’est la décision prise qui à la suite organise le comportement par la focalisation sur le but. Ainsi, ils ne restent plus dans la passivité. L’abandon au hasard pour trouver un boulot, peu importe lequel, donne petit à petit sa place à la motivation personnelle pour trouver un travail désirable.  

Ces personnes ont trouvé dans les médiations artistiques une voie d’expressivité plus directe. Au niveau des actes symboliques, ils préféraient des rôles immatures. Les deux sujets souffraient de crises de panique. Après trois mois, ces symptômes ont disparu. Un des deux sujets a abandonné le groupe au bout de six mois pour retourner dans son île d’origine, mais sans projet. Il s’agit du seul drop-out.

La réalité collective du groupe a été marquée par des phases de transition, à cause du changement de sa dynamique par l’entrée ou le départ des membres, mais, aussi, à cause de l’évolution du groupe.
Les sujets devenaient plus conscients de ces passages grâce à la médiation et à son contenu symbolique. Le passage d’un schéma (pattern) à un autre se manifeste dans les produits artistiques, mais aussi dans les objets apportés au groupe et dans les rêves.
Il y avait, par exemple, des séances où plusieurs membres apportaient le même objet, ou presque le même rêve, comme c’est le cas où le groupe « a parlé » sur le changement de perspective. Ça c’est l’exemple d’une séance au cours de laquelle trois membres apportent comme objets d’offrande des paires de lunettes. Un autre membre était arrivé ayant cassé ses propres lunettes. Ainsi, le thème du changement de perspective s’introduit dans cette séance par la médiation des objets d’offrande.



Aujourd’hui, parmi les neuf personnes qui ont été membres du groupe au cours des treize mois qui a duré, cinq ont trouvé les postes qu’ils désiraient, deux travaillent à mi-temps, une est encore au chômage et une est partie avant de trouver un travail. Parmi les cinq qui travaillent, deux gagnent 50% de plus que le salaire moyen en Grèce. Un autre sujet a choisi le travail désirable parmi quatre postes trouvés et auxquels elle a été acceptée. C’est elle qui rejet cette fois-ci les trois boulots pour garder finalement celui qui lui convient le plus. Nous pouvons voir comment les rôles changent dans ce cas ; Celle qui sentait rejetée par la société pour si longtemps, elle a finalement le droit de faire son propre choix.
Comme la majorité des membres du groupe travaillent aujourd’hui, l’heure des séances a été changée pour le soir. Ce changement est vécu par les membres comme un renforcement de leur estime de soi, comme une évolution, ainsi que l’a exprimé un sujet en disant : Bienvenue dans le monde adulte !  
Un nouveau groupe de chômeurs commencera bientôt. En même temps, nous sommes en train de créer un réseau d’interventions avec d’autres collègues en Grèce afin qu’un plus grand nombre de chômeurs puisse en bénéficier.
                                   

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